Monolithes : pourquoi a-t-on besoin d'un peu de science-fiction dans nos vies ?

Share:

C'est une curieuse épidémie d'apparitions qui sévit partout sur la planète. Des monolithes en métal qui surgissent en des endroits improbables, souvent peu accessibles, notamment aux États-Unis, en Roumanie, en Belgique et même en France. Cet événement médiatique mondial a mis Internet en ébullition : s'agit-il d'une performance artistique, d'une expérience scientifique, d'un canular ou tout simplement d'un phénomène de mimétisme. 

Pour l'essayiste Pacôme Thiellement, cette affaire illustre notre besoin de science-fiction dans nos vies car nous avons un désir profond de changement. C'est précisément ce que nous raconte le film de Stanley Kubrick, 2001, l'Odyssée de l'espace.

Pacôme Thiellement : "Le monolithe noir dans 2001, l'Odyssée de l'espace, on ne sait pas très bien ce qu'il est. On peut dire c'est Dieu, on peut dire que ce sont les extraterrestres, on peut dire que c'est le mystère. On peut même dire que c'est le cinéma. Tout ce qu'on sait, c'est que c'est un vecteur de transformation. Et ce monolithe noir apparaît à des moments spécifiques de l'histoire de l'humanité, pour l'aider à traverser une grande transformation, une grande métamorphose ou pour l'encourager à se métamorphoser. "

Ces monolithes s'inscrivent dans une longue tradition d'apparitions perçues comme extraterrestres, comme les ovnis ou les "crop circles" dessinés sur des champs de culture. Dans les années 1950, Carl Jung s'intéresse aux témoignages relatifs aux ovnis. Mais le psychiatre ne cherche pas à déterminer si les soucoupes volantes sont réelles ou non.

Pacôme Thiellement : "Le plan qui l'intéressait, c'était ce à quoi ça renvoyait symboliquement de voir des hommes avoir des apparitions extraterrestres. Cela correspondait au désir de métamorphose, de changement de civilisation. Et ce n'est certainement pas pour rien que ces apparitions avaient lieu spécifiquement après la Seconde Guerre mondiale. Des moments, où il y a comme la possibilité ressentie d'une bascule, qu'elle soit positive ou négative. En tout cas, la recherche d'une bascule dans une redéfinition de notre identité."

Et si l'année 2020 était l'un de ces moments de bascule ? Une année digne d'un récit de science-fiction où s'entrechoquent les récits dystopiques et anxiogènes. Ces monolithes pourraient être une tentative d'échapper à l'angoisse de la pandémie et de proposer une alternative poétique et inattendue.

Pacôme Thiellement : "L'année a été partagée entre plein de types de récits de science-fiction. Je me demande dans quelle mesure ces monolithes n'appartiennent pas à cette idée d'écrire sa propre histoire. Nous sommes dans la science-fiction ? Très bien. La science-fiction, ça a plusieurs formes. Ce sont des grands récits dystopiques dont l'être humain a un besoin extrême de se sortir. Et pour ça, il doit s'en sortir par la puissance d'abstraction qui peut produire de la poésie sauvage. Le monolithe noir dans 2001 peut être Dieu, les extraterrestres, les anciens astronautes, la technologie, ça peut être la poésie aussi, ça peut être dans le cadre de la narration humaine, l'expérience politique dans ce qu'elle a d'indomptable.

Beaucoup de ces installations clandestines ont été revendiquées par des artistes. Mais un certain mystère entoure encore quelques uns de ces monolithes...